Alone [PV Geai Moqueur et Belle Etoile]

Pourquoi me sente-je si seule en ce moment?
Comme si mon bonheur, jusqu'ici parfait, semble se dégrader. Disparaître, me filer entre les pattes. Et moi qui n'arrive pas à l'attraper, l'avoir, alors que j'ais tout.
Je suis allongée dans ma tanière, à peine réveillé. L'air autour de moi me semblait glacé. Glaciale. Et pourtant, il doit faire chaud. Peut-être est-ce mon coeur qui rends l'ambiance froide, mais je n'y crois pas trop. Il faut que je pense à mon devoir, maintenant. Que j'organise les patrouilles. Je peux en faire partie, aujourd'hui.
Je dois faire quelque chose pour effacer ce goût amer que j'ai sur la langue. Et personne ne sait ô combien je déteste les choses amers.
Je sort de ma tanière, les pattes un peu engourdis, et je saute agilement sur le sol. Je grimpe ensuite sur le rocher pour appeler le Clan, afin de pouvoir créer tout les groupes de chasses. Je miaule fort mes paroles, pour que tout les guerriers devant moi m'entendent. Je conclue en disant que j'irais chasser avec mon lieutenant, Geai Moqueur. Il m'intrigue un peu, je dois l'avouer. Il n'a pas l'air...comme les autres.
Comme moi.
Personne n'est comme moi.
Parce que je suis unique, absolument unique.
Je saute ensuite du rocher, rejoignant le guerrier au pelage bleu-gris. D'un mouvement de la queue, silencieuse comme à mon habitude - après tout, ils peuvent me voir, il n'ont pas besoin de m'entendre!- je lui fait comprendre que l'on y va. Maintenant, et sans attendre. Je ne surveille pas s'il me suit, j'avance simplement, le pas léger mais le coeur lourd. Non, pas lourd. Triste. Infiniment triste.
Comme le ciel gris au dessus de ma tête. Quand j'étais petite, on ma dit que, lorsque le ciel est gris, c'est le Clan des Etoiles qui est triste.
Pourquoi?
Je ne sais pas. Peut-être parce que, comme moi, il se sent seul.

La forêt m'entoure, protectrice. Mais je sais qu'elle ne veut pas me protéger. Plus je m'enfonce dans son obscurité, plus j'ai l'impression qu'elle veut me laisser là, enfermé dans ses bois sombres. Oui, elle veut me tuer. Mais je ne veux pas mourir. Je marche encore, et le paysage autour de moi se transforme. Je crois que tout est illusion. Est-ce un rêve? Non, je suis bel et bien dans la réalité. La forêt veut me tuer.
Geai Moqueur me pousse alors un peu, et je sursaute. J'ai cru un instant que c'était la forêt. Les racines des arbres qui m'auraient entraînés sous la terre pour m'étouffer et me tuer...Je suis dans un cauchemar. La réalité. Je me tourne vers mon lieutenant, et il me sourit. Pourquoi? Parce que je vais mourir dans cette forêt qui m'étouffe? Je lui rends son sourire, même si j'ai l'impression que mon coeur va exploser. Il bat si vite, comme s'il voulait fuir. Mais quoi?
Je tends alors l'oreille. J'entends un petit frottement dans les fourrés. L'odeur me parvint. C'est une proie, une nouvelle vie à mettre entre mes griffes. Un mulot trop insouciant, qui a encore une fois oublier que nous sommes là. Je ne vais pas m'en plaindre.
Je me tapis, oubliant tout autour de moi, même si j'ai l'impression que la mort se rapproche. Elle est bien trop prêt. Je m'avance, silencieuse, vers ce qui assurera ma survie. Je me rappelle tout ce qu'il faut faire, ces choses inoubliables que l'on nous apprends dès qu'on est en âge. Me sentant assez prêt, je saute, griffe dehors, les plantant dans le corps à présent sans vie de l'animal. Un mulot. S'en devient trop simple. Peut-être la mort se prépare à faire la même chose. Silencieuse, elle attends, et, se sentant assez prêt, elle...

-Allons vers le Sentier. Il y a toujours quelque chose là-bas, dis-je pour réduire au néant mes propres pensées. Ma voix était tremblante. Un mauvais pressentiment m'envahissait. La forêt allait avoir raison de moi. Ou bien est-ce autre chose?...